Les deux Pierre : Michelin, Boulanger

Édouard Michelin avait eu de Thérèse Wolff six enfants, dont deux garçons : Étienne, né en 1898, qui se tuera en avion à 33 ans, et Pierre, né en 1903.

Grand et mince comme tous les hommes de sa famille, sympathique et ouvert, Pierre Michelin avait acquis – son père y veillait – une solide formation technique et une complète connaissance de tous les échelons de l’entreprise familiale.

Il avait construit une usine en Tchécoslovaquie et vendu des michelines (autorails sur pneus) à travers le monde quand il fut nommé cogérant de Michelin en 1933. L’année suivante, lorsque André Citroën, en butte à de graves difficultés financières, fit appel à Michelin, son créancier principal, Pierre fut envoyé par son père à Javel, accompagné de son ami Pierre Boulanger. Nommé président-administrateur délégué des automobiles Citroën le 1er octobre 1935, il y était à son affaire car il était passionné d’automobile. La première tâche était de mettre de l’ordre dans la maison, de redonner confiance à la clientèle et aux créanciers, mais dès la fin octobre, Pierre Michelin met le bureau d’études au travail sur l’objectif du projet TPV (Toute Petite Voiture).

Le 29 décembre 1937, alors qu’il se rendait en voiture à Clermont-Ferrand, Pierre Michelin trouve la mort dans un accident sur la nationale 7, près de Montargis. Pierre Boulanger lui succède à la tête de Citroën.

Pierre Boulanger est né à Sin-le-Noble, dans le nord de la France, en 1885. Il dût interrompre ses études assez jeune pour gagner sa vie. À 23 ans, il s’expatrie aux États-Unis où il travaille dans un ranch, une compagnie d’électricité, et une agence d’architecte. Il fonde ensuite, au Canada, une société de construction d’habitations qu’il abandonne à la déclaration de la guerre en 1914 pour revenir en France où il fait, comme on disait, une belle guerre dans l’aviation (deux fois blessé, sept fois décoré). Démobilisé en 1919, il entre chez Michelin où il devient l’un des principaux collaborateurs d’Édouard Michelin. En 1937, il est nommé président de Citroën ; en 1938 cogérant de Michelin avec Robert Puiseux.

Grand, un peu voûté, toujours vêtu de gris, une éternelle cigarette aux lèvres, indifférent à l’opinion des autres et d’une grande fermeté d’âme, Boulanger va montrer une considérable ténacité à poursuivre la route qu’il s’est fixée : la route qui mène à la 2 CV, dont il fera l’œuvre de sa vie. Rarement a-t-on vu un patron s’impliquer autant dans la réalisation d’un produit.

Le 11 novembre 1950, alors qu’il se rend en voiture à Clermont-Ferrand, Pierre Boulanger trouve à son tour la mort dans un accident, sur la nationale 9, près de Gannat. Robert Puiseux lui succède à la tête de Citroën.