André Lefèbvre et son équipe  

Pour s’attaquer aux problèmes que pose la TPV, Pierre Michelin et Pierre Boulanger disposent d’une équipe de choc dirigée par André Lefèbvre, mise en place depuis le printemps 1933 par André Citroën pour créer la Traction avant. En donnant à Lefèbvre la liberté entière de réaliser ses idées, Citroën avait mis dans son bureau d’études l’imagination au pouvoir. Ni Michelin, ni Boulanger, ni leurs successeurs ne changèrent rien à ces dispositions ; ils renforcent même l’équipe par de nouveaux éléments.  

  

Né en 1894 à Louvres, dans le Val-d’Oise, André Lefèbvre, après l’École supérieure d’aéronautique, entra chez Gabriel Voisin au début de la guerre pour y construire des avions militaires. Après la guerre, ils appliquèrent ensemble leur connaissance de certaines des règles de l’aéronautique à la conception d’automobiles, et les dotèrent ainsi d’une tenue de route rapidement célèbre. 

Lefèbvre était le directeur des études mais aussi le pilote d’essai. Il gagna le Grand Prix de Tours en 1924 et battit à Montlhéry avec César Marchand le record des 48 heures à 220 km/h de moyenne. En 1931, du fait des difficultés financières que connaît Voisin, Lefèbvre se présente chez Renault, où l’originalité de ses conceptions et son caractère quelque peu ombrageux ne sont guère appréciés. Il trouve sa voie chez Citroën, où il entre en 1933 avec un statut particulier qui lui donne une grande liberté de travail. I

l la conservera jusqu’à sa mort, en 1963. 

Il y aura créé successivement la Traction, la 2 CV, le véhicule H, la DS, et étudié de nombreux prototypes.

Lefèbvre travaille habituellement avec deux dessinateurs, Georges Sallot et Leonzi. L’ascétique ingénieur Maurice Sainturat, père du moteur de la Traction, dessine le premier moteur de la 2 CV. Son antithèse physique, le massif Alphonse Forceau, dit Nounours, s’occupe des transmissions. Jean Muratet est chargé de la carrosserie… L’ensemble des travaux est coordonné par Marcel Chinon, parce que Boulanger a voulu un responsable par modèle. 

Il ne lâche pas ses hommes, il les incite à travailler sans aucune idée préconçue et à explorer toutes les solutions, fussent-elles révolutionnaires. Ils le font. Certaines de leurs recherches sont demeurées célèbres, ainsi l’étude par un astronome et chimiste, Frishof Lecoultre, de vers luisants en vue de remplacer l’éclairage électrique.

Paul Magès expérimente une caisse suspendue par des ressorts au-dessus du châssis, Léon Renault des batteurs à inertie (finalement adoptés sur le modèle 1948). On essaie un châssis en tube d’alu servant d’échappement moteur, un autre à caissons formant réservoir d’essence, un autre en contreplaqué ; des carrosseries de toutes sortes, en toile cirée par exemple. 

À Clermont, chez Michelin, Chataigner étudie de son côté des épures de suspension. Tout cela est passé au crible par Boulanger. Sans pitié. Il essaie les maquettes de carrosserie à grandeur réelle, son chapeau sur la tête. Si le chapeau tombe, le projet aussi.