Il
fallait à la 2 CV sa mini Croisière noire
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Mais le coût de l’opération
imposait de réduire le nombre de participants. Il apparut donc
opportun de compenser la disparition de l’effet de masse par
la réussite d’un exploit spectaculaire.
Une mission fut envoyée
en reconnaissance sur 12 000 km de pistes impossibles, pour
établir un parcours et définir un défi à relever. Ce serait
le Ténéré, le “désert des déserts”, partie orientale du
Sahara, grande comme trois fois la France, sans repères, sans
végétation, sans point d’eau, aux étendues et aux dunes de
sable réputées inaccessibles aux véhicules de tous les jours.
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100 jeunes Français (dont
80 % n’avaient jamais approché l’Afrique) allaient s’y
attaquer avec leurs 2 CV. Une première mondiale. Dès le
projet rendu public, près 5 000 candidatures affluèrent.
Il fallut louer les Halles de Rungis pour y organiser pendant
deux week-ends de mars 1973 une sorte de baccalauréat pour l’aventure,
chacun devant faire la preuve de ses capacités à rendre
service dans la spécialité de son choix : mécanicien,
médecin, intendant, photographe, cameraman, etc.
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Le 29 octobre 1973, les
heureux sélectionnés, venus par avion, et leurs voitures,
venues par bateau, quittaient Abidjan pour remonter à travers
la forêt vierge jusqu’au nord de la Côte d’Ivoire,
traverser en diagonale la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina
Faso) et le Niger, puis, peu après Agadès, la capitale des
Touareg, aborder le Ténéré.
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Constituées en cinq
groupes autonomes renforcés chacun d’un guide targui et d’un
camion Berliet 8 roues 4 x 4 (porteurs entre autres
des réserves d’eau et de carburant), les 2 CV, pneus
dégonflés à 600 grammes, franchirent le Ténéré sans coup
férir.
Quand une voiture s’ensablait,
les autres s’arrêtaient et une demi-douzaine de jeunes
venaient la pousser.
1 600 km de sable
sans repère furent ainsi parcourus jusqu’à l’oasis de
Djanet, en Algérie.
Chaque jour, l’avion de
Marlène Cotton, chargée de la sécurité, les survolait et
leur transmettait par radio les consignes de Jacques
Wolgensinger, chef de l’expédition, qui voyageait toujours
dans la dernière 2 CV.
Ce fut alors le Hoggar,
Tamanrasset, la piste des oasis, Touggourt, la Tunisie…
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Le 29 novembre,
comme prévu, le raid Afrique au complet arrivait à Tunis et la
2 CV, pour son vingt-cinquième anniversaire, ajoutait un nouvel
exploit à son palmarès.
Des
journalistes accompagnaient le raid en s’y succédant pour quelques
jours, au volant de 2 CV comme tous les participants. Laissons-les
raconter :
Thierry de
Saulieu - Rallye (décembre 1973).
… Les trois cents
kilomètres d’asphalte embrumé au milieu d’une jungle verdoyante et
piquetée de fleurs rouges, des hibiscus, ont donc servi de hors-d’œuvre
aux 2 CV qui abordent prudemment les 327 kilomètres de piste fluante…
C’est après treize heures de conduite que la longue chenille
multicolore sur laquelle le rouge de la terre avait fortement déteint,
pénètre dans la première ville étape, Korhogo.
Jean-Louis
Moncet - Sport Auto (décembre 1973).
… On a déjà laissé derrière soi l’Afrique moderne pour
rencontrer l’Afrique des cases, au parfum de feu de bois, à la
population amicale et franche. Au plan de la sympathie, l’accueil
dépasse tout. Le lendemain, passage de la frontière avec la
Haute-Volta. La poussière est là, la tôle aussi, qui réserve bien
des surprises… les plus lents tenteront de maintenir une vitesse
constante, avec un petit frisson d’angoisse ; les plus rapides
lèveront le pied.
Jean-Pierre
Renau - La Vie Catholique (28 novembre 1973).
....À 140 km de Ouagadougou, le goudron soudain s’arrête : c’est
la piste rouge, la poussière ocre, et le volant qu’il faut tenir à
deux mains sur la “tôle ondulée” : 50, 60, 80… Trouver la
bonne vitesse, chercher en un clin d’œil le meilleur passage, virer,
retenir, accélérer, se faufiler, repartir…. jeu d’adresse, de
précision. Jeu du risque aussi, car les pièges sont partout : le
rocher en saillie, la marche d’escalier, l’ornière trop profonde…
Jean-Pierre
Gratiot - Action Automobile et Touristique (janvier 1974).
....Un vent de sable se lève. La visibilité devient presque nulle
et l’on distingue à peine la voiture qui nous précède et encore
moins celle qui nous suit. La piste a disparu, on navigue entre les
arbres à sa recherche. Nous décidons d’allumer nos phares
orientables. Le vent de sable redouble de violence et… le groupe perd
des voitures, on se compte, il en manque cinq ! Respectant les
consignes, nous arrêtons notre progression… Le vent se calme enfin,
les cinq voitures sont retrouvées et c’est reparti.
Jean-Claude
Letrou - L’Automobile (janvier 1974).
.....Aujourd’hui tout a changé, nous sommes dans le désert, le
vrai, celui que l’on rêve à huit ans quand on veut encore être
explorateur ou missionnaire… Aujourd’hui, nous ne devons pas nous
éloigner du camion, et comme nous ne pouvons nous arrêter sous peine d’ensablement,
nous tournons inlassablement autour du Berliet afin de ne pas le
dépasser. Ce ballet insolite durera deux jours dans un univers de sable
sans le moindre repère.
Jean-François
Destin - France-soir (30 novembre 1973).
L’horizon vire au bleu marine. Le soleil va disparaître dans
moins d’un quart d’heure. Ses rayons rasants donnent au sol un
relief hostile. Le sable noir et ocre semble bombardé de millions de
météorites. La colonne du groupe 4 stoppe soudain devant un mur de
rocaille volcanique. Impossible d’avancer, il faut faire vite. Depuis
plus de quatre heures nous avons perdu les traces des groupes
précédents. Nous sommes perdus en plein désert nigérien à 500
kilomètres de tout point de civilisation…
Philippe
Volmerange - Nord-Éclair (5 décembre 1973).
… Après une heure de sable caillouteux, nous arrivons près de
Djado. Étrange et ancienne capitale des sables perchée sur un piton
comme un Mont-Saint-Michel. Les Toubous sont passés par là : des
remparts et des maisons construites en gradins, imbriqués dans un
labyrinthe de raidillons, il ne reste que ruines et ossements…
Massacrée, razziée, la ville ressemble à une immense tête de mort,
son accès est difficile…
Les jeunes la découvrent en respectant l’étonnant silence recouvrant
cette cité maudite.
Christian
Vella - L’Équipe (30 novembre 1973).
....Des bouquets de rochers noirs surgissaient au détour d’une
dune, qu’il fallait éviter à grands coups de volant. On suivait l’embryon
de la piste dans un dédale de maigres touffes d’alfa. C’était la
mi-journée. Le soleil tombait à pic. Autour de nous, le grand vide
mordoré du désert, d’une lancinante platitude. La vision se
troublait dans l’atmosphère agitée d’une luminosité trop crue, et
découvrait ses premiers mirages.
Le Parisien libéré
(19 novembre 1973).
.....La traversée du Ténéré en 8 jours par les 2 CV a constitué
un exploit sans précédent. Éprouvée par la chaleur des jours, le
froid des nuits, la fatigue des désensablements et aussi quelques
émotions dues à des erreurs de parcours, la caravane motorisée a
aperçu avec délices, au bout d’un défilé rocheux, la tache verte
de la palmeraie de Djanet. Les conditions de vie difficile ont mis à l’épreuve
l’esprit d’équipe et le sentiment de solidarité de chacun…
Jacky Issautier
- Le Midi Olympique (19 au 25 novembre 1973).
… La tâche la
plus spectaculaire du Raid revient aux mécaniciens. Dès qu’une
voiture de leur groupe est arrêtée au bord de la piste, ils se précipitent
pour tout remettre en ordre. À l’arrivée de chaque étape, ils
doivent réparer, qui une jante, qui une bielle, et leur activité se
poursuit souvent fort tard dans la nuit. En plein cœur du Ténéré,
ils ont réussi à remonter un moteur défaillant en 30 minutes, avec
autant d’aisance que dans un atelier très perfectionné !
André Bloch - L’Aurore
(26 novembre 1973).
......Le spectacle est
titanesque : des champs d’énormes rochers, d’étendues
lunaires, de cônes de volcans éteints à perte de vue, pendant des
heures et des heures de route, dans la poussière et la chaleur, à 15
km/h. L’ultime ascension où l’aspect désolé du décor et les
difficultés de la route augmentent encore pour atteindre à une apothéose
de désolation et de sauvagerie, battu par un vent glacial au sommet de
l’Assekrem. À 2 800 m d’altitude : le refuge du Père de
Foucauld.
Gabriel Chakra -
Le Méridional (9 décembre 1973).
.....Quand on vient
pour la première fois à El-Goléa, on ne distingue d’abord qu’une
ligne de palmiers barrant l’horizon.
En
arabe, El-Goléa signifie “la perle des oasis”. Une grande banderole, fébrilement déployée, nous souhaite la bienvenue…
Le lendemain nous apprenons avec ahurissement qu’un groupe n’est
arrivé qu’à trois heures du matin complètement exténué par mille
incidents mécaniques…
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