Serge Gevin était étalagiste au magasin du Printemps à Paris lorsque Claude Puech, directeur de la publicité, lui demanda en 1975 un projet pour une 2 CV commercialisée à tirage limité, comme certains constructeurs américains avaient commencé à le faire.
Gevin propose d’autres dessins à Bernard Planche (qui a succédé à Claude Puech, appelé à diriger la Société française de Publicité du groupe PSA). Ceux qui sont
retenus sont maquettés sur une 2 CV réelle. En 1977 est ainsi réalisée,
puis commercialisée, une élégante Dyane Caban
bleu marine à roues,
toit et filets blancs, très yatchman (1 500 exemplaires). 1979. Exceptionnellement, Gevin travaille sur une voiture réelle qu’il a demandée rouge Delage avec ailes et porte de coffre noirs. Il l’a placée dans le jardin de ses parents, en banlieue parisienne, et colle dessus des papiers pour obtenir le graphisme qu’il cherche : le tracé blanc arrondi en bas des portières, qui deviendra célèbre. Il l’appelle Dolly, mais Citroën préfère, à juste titre, la nommer Charleston.
Planche
commande ensuite à Gevin des propositions pour une autre série spéciale dans
le même style rétro que la Charleston, mais en simplifiant l’exécution,
qui demeure trop complexe en usine. Gevin présente trois projets : 1. Une
merveilleuse “fausse Bugatti” qu’il nommera d’abord Bug, puis Petite
Rosalie en souvenir de la Rosalie des records du monde des 300 000 km
en 1933 ; elle est d’un bleu soutenu, et blanc, avec deux courroies
autour du capot-moteur, une imitation de tôle rivetée sur les côtés du capot
et la porte de malle, des sièges en cuir : refusée. 2. Une Torpédo
Cabourg blanc et beige avec une capote rouge foncé ; refusée. 3. Un cabriolet Dolly à carrosserie blanche, ailes arrière et porte de malle rouges. On s’aperçoit qu’en supprimant simplement un filet latéral jugé superflu, on peut disposer là d’un véhicule facile à monter : ailes, porte de malle et toile de toit en couleurs. Gevin étudie toute une palette, et comme le film “Diabolo menthe” vient de sortir, il intitule la série Diabolo, avec sa gamme de parfums : fraise, pistache, citron, cassis… On retiendra
finalement le nom de Dolly, dont une première série de trois
combinaisons de teintes (blanc et gris, gris et champagne, gris et rouge) est
lancée en mars 1985, à 1 500 exemplaires pour la France, 1 500 pour
l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Autriche. En Fabrication et aux Pièces détachées,
on est enchanté : c’est là le moyen de résorber élégamment les
stocks excédentaires en ailes, portes de coffre, ou capots, selon les cas. En
septembre 1985, on lance donc une nouvelle série Dolly, plus gaie
(blanc/vert, blanc/rouge, champagne/bordeaux). Une troisième série suivra en
1986. Mais déjà, Gevin pense à un nouveau projet : c’est l’année de
la Coupe du monde de football. La France peut la gagner, la France doit la
gagner. Pourquoi pas une 2 CV pour fêter l’événement ? Sur une
caisse blanche, les portières avant seront bleues, les portières et les ailes
arrière rouges. On placera un adhésif représentant un ballon de football sur
la portière avant. La France est battue ! Mais la voiture plaît au
service commercial : on la sort tout de même, sans adhésif, à 1 000
exemplaires réservés à la France, en octobre 1986. Elle est tricolore et
patriotique, on l’appelle Cocorico. “Elle est vraiment trop !”
dit la publicité.
Il faudrait en
citer beaucoup d’autres, qui s’engouffrèrent dans la voie ouverte par Gevin.
Hors de France : l’Espagne en 1976 sort la Márcatelo à
l’occasion de la Coupe du monde 1976, avec un décor de “chaussure de
foot” qui rappelle la Basket en train de naître au même moment à
l’école Camondo à Paris. Le Portugal produit la Dyane Nazaré aux sièges
en tissu local typique. La Suisse en 1985 passe de la furieuse Fireball
(rouge, à flammes orange crachées par le moteur) à la sage et écologique Ente
grün (canard vert qui est en effigie sur les portières avant) – elle
roule sans plomb et l’annonce comiquement : “I fly bleifrei” –
qu’elle partage avec l’Allemagne, laquelle remet cela en 1988 avec une autre
belle verte (avec canard) : Sausss Ente (Sauss évoque à la fois la
joie et la vitesse, disons : le canard vif et joyeux). En Belgique apparaît
à la même date une série publicitaire Perrier très réussie, blanche avec
une fine ligne brisée verte au centre du capot, des enjoliveurs de roues en
capsule de bouteille, une glacière pour eau minérale à l’intérieur… et
la boule de changement de vitesse verte… Arrêtons, il y en a trop ! |