Deux génies italiens : Becchia, Bertoni

Pendant l’Occupation, deux nouveaux intervenants vont contribuer à l’évolution de la 2 CV : le motoriste Walter Becchia et le styliste Flaminio Bertoni.

 

Paradoxe (un de plus) : c’est à un éminent spécialiste des moteurs de haute compétition que la 2 CV doit ses bicylindres de 375 et 425 cm3.

Après avoir œuvré sur les Sunbeam Grand Prix, l’ingénieur italien Walter Becchia rejoint en 1926 l’équipe de Talbot France où il dessine les moteurs des modèles de course : la 3 litres T 150 avec laquelle Louis Chiron remporte le Grand Prix de l’ACF. Du six cylindres à culasse hémisphérique et soupapes en tête, Becchia tire 170 CV. Après l’armistice de 1940, il entre au Bureau d’études Citroën où il sera rejoint quelques mois plus tard par son adjoint chez Talbot, Lucien Girard, un fin spécialiste de la carburation.

Becchia était réputé non seulement pour ses compétences et son génie de motoriste mais aussi pour son extraordinaire rapidité d’exécution. Souvent, trop impatient pour s’arrêter en cours de création, il continuait ses dessins au verso de la feuille sur laquelle il travaillait. Parce qu’il a entendu Boulanger se plaindre à nouveau de l’antigel pour le moteur à refroidissement par eau, il résout le problème selon la méthode du patron : en supprimant la cause. En trois jours, il dessine un nouveau moteur 375 cm3 à refroidissement par air, un autre de 425 cm3 et la boîte de vitesses qui va avec. Il la dote d’un quatrième rapport après avoir convaincu Boulanger, qui ne veut pas d’une “quatrième”, que c’est là une “surmultipliée”.

Né en Lombardie en 1903, Flaminio Bertoni vient en France en 1923. Il entre chez Citroën en 1932. Sculpteur de formation (il expose régulièrement ses œuvres aux Salons d’Automne ou des Indépendants) et styliste inspiré, lorsqu’il est confronté à la création d’un modèle, au lieu de dessiner longuement de beaux “rendus”, il se lance presque tout de suite dans l’élaboration d’une maquette au plâtre en grandeur nature. Lui aussi travaille très vite et quand cela le prend. Il lui arrive de quitter son domicile, proche, à trois heures du matin pour aller œuvrer en solitaire au Bureau d’études, rue du Théâtre. Il créera successivement, entre autres, les formes de la Traction, de la 2 CV, de l’Ami 6 et de la DS. Il eut quelques difficultés à le faire avec la 2 CV parce que Boulanger, qui ne voulait pas entendre parler d’esthétique pour la TPV, lui avait interdit de s’en occuper. Il passa outre et présenta candidement une jolie maquette en grandeur réelle, peinte en jaune et noir. Le patron le prit très mal, mais finit par lui pardonner, et au début de l’Occupation, Bertoni put enfin s’exprimer, d’abord sur le “cyclope”, prototype à un seul phare, central, ensuite sur ce qui allait devenir la “vraie” 2 CV.