Les secrets de la 2CV
Des
riens qui font tout
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Quoi
de plus logique, en effet, que de remédier aux pannes par une
prévention radicale qui consiste à en supprimer la cause ?
Problème de joints de
culasse ? On les remplace par… rien. Ainsi le problème est-il
effacé. À une condition toutefois que les hauts de culasse soient
usinés à la tolérance du micron. On ne compte pas moins de 250
contrôles pour une culasse. |
Problème d’allumage ? Non, on ne
supprime tout de même pas l’allumage, mais on bannit le distributeur haute
tension, pièce délicate sujette à de nombreux incidents de fonctionnement. Le
dispositif d’allumage de la 2 CV ne comporte donc qu’un rupteur sur le
circuit de basse tension alimentant une bobine à double sortie qui, à chaque
rupture du courant primaire, provoque une étincelle dans chaque cylindre, l’une
en fin de compression dans un des cylindres : elle est utile ; l’autre
en fin d’échappement dans le second cylindre : elle ne sert à rien,
sans aucun inconvénient.
Est-il besoin de rappeler la suppression
du radiateur, ce que tout le monde sait, par l’adoption du refroidissement à
air, solution qui permet de ne pas se préoccuper de la température extérieure
et de se passer d’antigel ?
Une 2 CV ne "grille" pas
ses soupapes. Pourquoi ? Parce qu’elles sont refroidies par le circuit d’huile,
ce qui autorise de rouler indéfiniment au régime maximal : la 2 CV a
des moyennes de pointe !
L’étude du circuit d’huile a fait l’objet
de soins très particuliers : le carter n’exige que 2 litres d’huile
(minimum de poids, de place, de frais de vidange). Il ne peut subir de
fuite : lorsque les pistons des cylindres (horizontaux opposés) se
rapprochent (quand l’un est en fin de phase "explosion-détente", l’autre
en fin de phase d’admission, ce qui peut provoquer une surpression dans le
carter moteur), un "reniflard" sert de soupape. Les vapeurs d’huile
récupérées sont dirigées vers le filtre à air et aspirées dans le moteur.
En outre, le circuit d’huile comporte un radiateur qui assure le
refroidissement constant de l’huile moteur, donc une meilleure lubrification,
facteur de longévité de la mécanique. Enfin, la plupart des canalisations
alimentant les organes moteurs en huile sont réalisées par forage direct dans
le carter, ce qui oblige à une fonderie précise et onéreuse mais procure des
canalisations sans problème.
Sur une 2 CV, il ne saurait y avoir,
comme c’était le cas sur beaucoup d’autres voitures à l’époque de sa
naissance, de déplacement latéral des essieux causé par l’élasticité de
leur liaison au châssis. Chacune des quatre roues indépendantes est montée
sur un bras d’essieu que des roulements de très grande dimension rendent
solidaire de la plate-forme, sans élasticité.
Les freins d’une 2 CV ne chauffent
pas. Qu’il s’agisse des freins à tambours sur les premiers modèles ou des
freins à disques sur les derniers (1982), ils ne sont pas fixés, à l’avant,
sur les roues, mais en sortie du différentiel afin qu’ils soient parfaitement
ventilés.
Une
mécanique de luxe
Pour
éviter les sources de panne, parvenir à un faible coût d’entretien, et
alléger l’ensemble du véhicule afin d’obtenir une moindre consommation,
les concepteurs de la 2 CV ont généralisé l’emploi d’alliages d’aluminium
pour les pièces importantes telles que bloc moteur, carters d’embrayage et de
boîte, d’ordinaire construits en fonte. En outre, pour alléger plus encore
certaines de ces pièces, il a été fait appel au moulage sous pression.
Dans le but d’obtenir à la fois plus
de légèreté et plus de solidité de l’ensemble embiellage-vilebrequin, il a
été fait appel à une technique élaborée et coûteuse qui n’est guère
utilisée que sur des moteurs de haute compétition. Les bielles sont en une
seule pièce (ni vis, ni coussinet rapporté, ni écrou…) et emmanchées sur
les manetons du vilebrequin fait, lui, en plusieurs pièces usinées à la
tolérance du micron puis trempées, pour les parties mâles, dans l’azote
liquide (– 190 ° C) qui les contracte, et emmanchées alors dans les
parties femelles. Revenu à une température normale, le vilebrequin est plus
solide que s’il avait été forgé en une pièce.
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La boîte de vitesses
est à quatre rapports, ce qui n’était guère courant en 1948, avec
des synchros importants et "positifs". En 1955 est apparu un
embrayage à commande centrifuge qui permet de s’arrêter sur un coup
de frein sans débrayer (un retardateur de ralenti empêche le moteur de
caler) et de repartir en appuyant simplement sur la commande d’accélérateur. |
La suspension de la 2 CV n’est pas
moins intéressante : deux pots de suspension longitudinaux à une
interaction entre les roues avant et arrière permettent d’obtenir sans
contrepartie une grande flexibilité pour absorber tous les obstacles, tout en
maintenant l’assiette de la voiture. Les ressorts de suspension sont
entièrement protégés et ne peuvent rouiller ; ils sont extrêmement
robustes et travaillent sous un faible débattement : minimum d’usure
pour un maximum d’efficacité.
Pendant 27 ans, la 2 CV a été
équipée à l’avant (ainsi qu’à l’arrière jusqu’en 1971) de batteurs
à inertie, secret de l’adhérence stupéfiante de la voiture sur les sols les
plus inégaux. Chaque batteur, accolé directement à chaque roue, stoppait le
mouvement de celle-ci dès son apparition, provoqué par le relief du terrain,
et la maintenait au contact du sol par l’effet d’inertie d’une masse
placée dans le cylindre creux constituant le batteur.
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Bien d’autres
dispositifs ou astuces seraient à citer, comme l’ouverture
horizontale des demi-vitres avant – qui ont l’inconvénient de
souvent retomber sur les doigts qui les manipulent mais l’avantage de
pouvoir être ouvertes sans provoquer de courants d’air décoiffant
les dames –, ou la traverse avant qui protège la crémaillère de la
direction, ou encore le montage particulier des phares qui les rend
indépendants de la carrosserie et réglables en hauteur depuis le poste
de conduite, disposition qui facilite aussi le démontage des ailes (4
boulons !), tout comme est facile le démontage des autres
éléments de carrosserie (capot, portes…). |
Sana oublier que la 2 CV est une
traction avant, ce qui n’est guère original de nos jours mais l’était au
moment ou presque toutes les voitures autres que les Citroën n’étaient pas
à traction avant.
Vivre
avec son temps
Un
autre secret de la longévité de la 2 CV réside en ce qu’elle a su sans
cesse évoluer en s’accordant à l’air du temps tout en restant elle-même.
Elle a subi des centaines de modifications. Sans entrer dans les détails
énumérés par ailleurs, qu’il suffise de rappeler qu’elle est passée d’un
moteur de 375 cm3 développant 10 ch à 3 500 tr/mn avec un couple de
2 mkg à 2 000 tr/mn et une vitesse de 65 km/h en 1949, à 602 cm3
développant 29 ch à 5 750 tr/mn, avec un couple de 4 mkg à
3 500 tr/mn et une vitesse de 115 km/h en 1981.
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